Le patrimoine est une réalité vivante en mouvement qui éclaire notre rapport à une région, un pays, une communauté ou une culture qui peut dépasser les frontières. Certains persistent à voir dans la notion de patrimoine une notion synonyme de passé. Il n’en est rien. Le patrimoine s’inscrit certes dans la durée mais il est présent et futur si l’on recherche à travers lui les dynamiques sociales et historiques dans le but de mieux saisir la portée de notre héritage, de l’analyser et de préparer l’avenir.
Nous sommes dépositaires d’un riche patrimoine qui nous oblige. Sa sauvegarde exige des modèles originaux car les collectivités publiques ne peuvent pas tout. Cette conviction constitue le moteur de l’action de la Fondation pour la Protection du Patrimoine Culturel, Historique et Artisanal qui poursuit depuis plus de vingt ans une œuvre initiée bien plus tôt par ceux qui lui ont donné son esprit et ses moyens.
La Suisse, pays siège de notre Fondation, constitue une réalité plurielle où se conjuguent différence et singularité. La construction d’une identité commune y passe depuis longtemps par la préservation et la transmission d’un patrimoine qui n’est pas toujours commun à toutes les régions mais auquel une part majoritaire de la population s’est peu à peu identifiée. Le patrimoine culturel et historique s’est ainsi imposé comme un facteur de compréhension et de cohésion entre des populations de langues différents et issues de réalités diverses. Cette réalité constitue ainsi un modèle que l’on peut appliquer plus généralement à l’Europe pour entretenir et retrouver des valeurs fondamentales sans lesquelles la construction d’un ensemble cohérent et solide ne se fera que difficilement.

Jean Taincture (Tinctoris), Traité du crisme de vauderie, vers 1460. Bruxelles, Bibliothèque royale, ms. 11209, fol. 3. Adoration du bouc satanique par deux hommes et deux femmes ; trois autres individus rejoignent la scène par la voie des airs, en chevauchant des démons. La scène renvoie à la Vauderie d’Arras (1459-1460), la première grande chasse aux sorcières aux marges du royaume de France et se présente comme une parodie ou un détournement du retable de L’Agneau mystique de Gand (Jan van Eyck, 1426).
Ce constat n’est pas étranger à notre choix de faire porter nos travaux scientifiques avant tout sur la « Grande Bourgogne » au sens historique et géographique du terme et aux états périphériques tels que la Savoie. La diversité de ces régions, leurs organisations originales, leurs interactions et leurs destinées constituent en effet autant de sujets essentiels dont l’analyse est riche d’enseignements pour la Suisse ou l’Europe d’aujourd’hui et pour leur avenir.
Notre Fondation se propose de préserver, d’étudier et de transmettre le patrimoine au sens large et transversal. Ce patrimoine est matériel lorsque notre action porte sur la sauvegarde de biens historiques immobiliers, mobiliers ou d’archives, il est immatériel lorsque le recherches que nous soutenons portent sur les traditions, les mœurs ou les modes de vie au travers de notre histoire. Devant une telle diversité, une constante nous anime qui est celle de rendre le patrimoine plus proche des gens en l’intégrant dans un souci d’éducation populaire qui va au-delà du cadre scolaire ou académique.
En plus de vingt ans et dans une discrétion de bon aloi, la Fondation a soutenu plus de 260 projets. Au cœur de notre action, se situe certes la rénovation et l’entretien du Domaine de Montjeu, château, parc et forêts, qui constituent un ensemble d’intérêt majeur au plan historique, architectural et écologique. Témoignage de sa longue histoire, les archives du Domaine ont également ainsi pu être inventoriées, sauvegardées, digitalisées et mises à disposition des chercheurs, grâce à l’aide des Archives de la région de Bourgogne.
Au-delà de Montjeu, il y a la restauration de monuments, la sauvegarde d’archives, l’organisation de plus de 90 colloques en Suisse et à l’étranger, le soutien à plus de 110 publications et plus de 26 bourses distribuées à des doctorants ou chercheurs. Cette action nécessite certes des moyens mais plus que cela, c’est la passion et l’expertise qui fondent notre action.
L’expertise d’abord, qui caractérise notre comité scientifique dont les compétences sont uniques et diverses. Mes remerciements vont ici aux Professeurs Klaus Oschema, Paul Delsalle, Jean-Marie Cauchies qui, sous la conduite compétente du Professeur Agostino Paravicini, Président du Comité scientifique dès sa création, ne comptent ni leur temps, ni leur énergie au service de la Fondation. Avant eux, le Professeur Werner Paravicini, historien et ancien directeur de l’Institut Historique Allemand de Paris et le Professeur Vincent Tabbagh, professeur à l’Université de Dijon, ont contribué de manière décisive à la définition du cadre de notre action et au lancement de celle-ci.
La passion ensuite. Elle anime également le comité scientifique bien sûr, les récipiendaires de nos subsides mais également les membres du Conseil de Fondation à qui vont mes remerciements.
Le patrimoine est en mouvement, ai-je écrit plus haut. En se tournant vers l’avenir, la Fondation a pour ambition de poursuivre modestement mais sûrement son action de soutien au patrimoine culturel, à la recherche et son travail de mémoire et de transmission pour mieux relier le passé à l’avenir. L’encouragement au développement numérique est désormais une priorité absolue pour offrir au plus grand nombre – et aux jeunes en particulier – l’accès et la participation au savoir patrimonial dans toute sa diversité et sa complexité.
Il en va de la préservation et de la transmission de notre mémoire commune comme élément clé de compréhension mutuelle.