Par son programme scientifique, la Fondation a voulu soutenir la recherche historique ainsi qu’une vulgarisation de haut niveau intéressant les régions touchées par le Duché de Bourgogne, la Franche-Comté et le Duché de Savoie au Nord du Léman. Dès le début, une attention particulière a été réservée au patrimoine relevant de la mémoire historique, aussi bien monumentale que livresque et archivistique. C’est pourquoi la Fondation a contribué à la restauration de la Tour Jean-Sans-Peur à Paris et d’un bâtiment ayant appartenu à l’abbaye de Cîteaux ; à la mise en ligne des sceaux concernant le Duché de Bourgogne conservés auprès des Archives Départementales de la Côte d’Or, de la série des documents originaux possédés par l’Abbaye de Saint-Maurice, de l’ensemble des procès de sorcellerie intéressant le Pays de Vaud ou de l’indexation des registres de notaires de Dijon ; au programme de désinfection du patrimoine de livres anciens de la Médiathèque de Salins les Bains, dans le Jura ; ou en soutenant un colloque sur le magnifique Bréviaire de Marie de Savoie, aujourd’hui à Chambéry, ou sur la circulation des manuscrits dans l’entourage des Ducs de Bourgogne, ainsi que la publication du plus ancien légendier médiéval, ayant appartenu à la Maison de Savoie, aujourd’hui conservé à Turin.
Grâce à la Fondation, des éditions d’importants documents intéressant l’histoire de la Bourgogne et la Maison de Savoie ont vu le jour : les Comptes de l’Argentier et les Ordonnances de l’hôtel de Charles le Téméraire, les comptes des marchands hanséatiques auprès des changeurs brugeois, les correspondances d’Isabelle de Portugal et de Marie de Hongrie, le Grand Minutier de l’Abbaye de Saint-Maurice d’Agaune, ou encore l’obituaire de la paroisse de Villeneuve, l’enquête menée à la mort de Louis de Chalon, prince d’Orange, ou la falsification de documents intéressant le Saint-Suaire de Besançon.
Désirant être proche de la recherche universitaire, en vingt ans la Fondation a subventionné environ quatre-vingt-dix colloques, à l’échelle régionale ou internationale, et environ cent soixante-dix publications, scientifiques ou de haute vulgarisation. Elles constituent avant tout une galerie de portraits de personnages historiques souvent connus aussi par le grand public, tels les ducs de Bourgogne Charles le Téméraire et sa fille unique, Marie de Bourgogne, ou le duc de Savoie Amédée VIII, puis pape Félix V ou encore son demi-frère Humbert le Bâtard. On ne saurait cependant oublier Jean Germain, chancelier de l’ordre de la Toison d’or ; les chroniqueurs bourguignons Olivier de la Marche et Jean Molinet ; Pierre Terrail, seigneur de Bayard, plus connu sous le nom de « chevalier Bayard » ; l’évêque de Lausanne Aymon de Montfalcon et l’abbé Nantelme de Saint-Maurice ou encore le peintre liégeois Lambert Lombard (1505/6-1566) et l’architecte franc-comtois Hugues Sambin (1520-1601).
Comment fonctionnait l’état bourguignon et savoyard ? Pourquoi et comment doit-on étudier la vie matérielle des grands voyages diplomatiques des derniers siècles du Moyen âge, de la Bourgogne à la Maison de Savoie ? Quel rôle a joué l’imaginaire politique et social à la cour ? Quel cérémonial était suivi lors des grandes cérémonies rythmant la vie de la dynastie, baptêmes, fiançailles, mariages, funérailles ? Comment était perçue la cour depuis l’extérieur ?Quelle était la vraie fonction des grands Ordres de chevalerie, ceux de la Toison d’Or et de l’Annonciade, par exemple ? Quel rôle ont joué les ducs de Bourgogne et de Savoie dans les relations souvent conflictuelles entre l’Europe et l’Orient ? Quel regard porte aujourd’hui la recherche historique à leur politique matrimoniale ?Ces questions et tant d’autres ont rendu possible un renouvellement en profondeur de la recherche historique autour des cours de Bourgogne et de Savoie pendant ces deux-trois dernières décennies, grâce notamment au soutien attentif de la Fondation.
Pour l’époque médiévale et moderne toute histoire régionale ou nationale ne peut ignorer le fait spirituel et religieux, qu’il s’agisse des grands monastères ayant joué un rôle dominant, politique et religieux à certaines périodes de leur histoire, comme Romainmôtier ou Saint-Maurice d’Agaune, des fondations pieuses à Dijon, du Miracle du Saint-Sang ou du Grand-Pardon de Chaumont, de l’encadrement de pèlerins ou de la vie paroissiale dans la Petite Montagne du Jura. L’histoire religieuse doit tenir compte des grands mouvements spirituels et des pratiques pieuses locales ou régionales, d’où l’intérêt de soutenir une publication sur le concile provincial de Besançon en 1281 qui a marqué au-delà du XIIIe siècle l’organisation de la vie religieuse en Franche-Comté ou sur la présence de croix et calvaires dans le Comté de Bourgogne ou un colloque international sur le clergé de cour en Europe ou sur les portraits dévotionnels dans les peintures des primitifs néerlandais.
Les cours – que ce soient celles de Bourgogne ou de Savoie – sont de plus en plus considérées par les chercheurs comme des observatoires privilégiés pour l’étude de phénomènes historiques de grande ampleur et il faut savoir gré à la Fondation pour la Protection du Patrimoine d’avoir encouragé des publications sur des sujets aussi divers que le temps de la mémoire, la transgression et l’inversion des genres au Moyen âge et à l’époque moderne ; le rôle de femmes « fortes » au bas Moyen âge ; l’étude des subversions et altérités ; la performance du pouvoir ; les relations entre pouvoir, autorité et normativité ; le conflit comme distinction sociale ; le dialogue entre le visuel et le textuel, entre l’art religieux et la littérature ; les modèles et concurrences entre Renaissance bourguignonne et Renaissance italienne ou encore les perspectives de l’historiographie urbaine entre la fin du Moyen âge et le début de l’époque moderne.
L’étude de thèmes aussi importants et différents que la place du cheval dans la culture médiévale et moderne, le commerce des épices ou l’histoire des pratiques funéraires ne saurait être envisagée sans l’apport des sources qui proviennent des grandes cours souveraines, qui ont été au Moyen âge et à l’époque moderne un lieu de production du savoir, aussi bien conceptuel qu’artisanal, et de normes sociales, aussi bien vestimentaires que morales. D’où l’extrême intérêt qui revient à l’étude du corps à travers le prisme des cours, Le corps du prince, pour reprendre le titre d’un des colloques soutenus par la Fondation, en étant un exemple remarquable.
Ces normes étaient avant tout destinées à imposer et à maintenir l’ordre, au sein de la cour comme dans les régions soumises à l’autorité du prince. C’est pourquoi les cours de Savoie et de Bourgogne ont été sur le devant de la scène à l’époque de la genèse et de la première diffusion des chasses aux sorciers et aux sorcières. L’imaginaire du sabbat des sorciers et des sorcières qui s’est affirmé, dès les années 1420, dans les Alpes occidentales, du Val d’Aoste au Dauphiné, en passant par le diocèse de Lausanne et le Duché de Savoie, a été l’objet, à l’Université de Lausanne, d’une longue série d’études visant la publication de l’ensemble des procès de sorcellerie du Pays de Vaud d’avant l’époque moderne. Chasses aux sorciers et aux sorcières, littérature démonologique, maléfices et diffamation, accusations d’empoisonnements et magie à la cour sont autant de thèmes de colloques et de publications qui ont permis d’éclairer motivations et modalités de la genèse du phénomène de répression à la plus grande longévité de l’histoire occidentale.